Publiรฉ le 19 Nov, 2024

Il y a quelques jours, je me suis autorisรฉ ร  me demander (sur X, Facebook et Linkedin) ce que faisait Guillaume Gomez, bras droit du Prรฉsident Macron pour la gastronomie.

C'est son "Ambassadeur et reprรฉsentant spรฉcial pour la gastronomie, l'alimentation et les arts culinaires" (rien que รงa)  et il s'est rendu au Japon avec le second groupe laitier franรงais derriรจre Lactalis (qui produit notamment les fromages de haute gastronomie au lait pasteurisรฉ comme Caprice des Dieux, Tartare et bien d'autres).

Je prรฉcise tout de suite que je n'ai rien contre Monsieur Guillaume Gomez, et que je trouve sa fonction auprรจs du Prรฉsident de la Rรฉpublique tout ร  fait louable.

Cependant, je m'interrogeais :

"Est-ce que Guillaume Gomez est ambassadeur de la gastronomie ou de l'industrie agro-alimentaire ?
En tout cas, il est le symbole de l'omniprรฉsence de l'industrie agroalimentaire dans la gastronomie."

Monsieur Gomez, droit dans ses baskets et du haut de sa fonction diplomatique, m'a vertement rรฉpondu en ces termes :

Monsieur Gomez a dรฉgainรฉ les termes qui tuent : alimentation plus engagรฉe, souverainetรฉ alimentaire, juste rรฉmunรฉration de la production. 

Revenons un peu dessus :

Une alimentation plus engagรฉe grรขce ร  l'industrie agroalimentaire ? Vous le pensez vraiment ?

La premiรจre rรฉponse qui me vient ร  l'esprit tient en deux mots "Ah bon", mais je vais quand mรชme dรฉvelopper un petit peu.

En quoi l'industrie agroalimentaire est-elle vraiment engagรฉe, ร  part son propre profit et celui de ses actionnaires :

Pour l'รฉcologie ? En incitant ร  produire toujours moins cher du lait de vaches nourries au soja sud-amรฉricain.

Pour la santรฉ ? Avec des produits contenants des dizaines d'additifs dont certains sont classรฉs cancรฉrigรจnes par l'OMS.

La pรฉdagogie ? Par les produits ultra transformรฉs, l'industrie dรฉculture nos enfants qui pensent que le lait est produit par une brique et que les pommes de terre poussent sur les arbres dรฉjร  sous forme de frites.

Aller vers une souverainetรฉ alimentaire grรขce ร  l'industrie agroalimentaire ? Vous le pensez rรฉellement?

Depuis 70 ans, le dรฉveloppement exponentiel de l'industrie agroalimentaire (avec l'aide active des pouvoirs publics) est allรฉ de pair avec une industrialisation de l'agriculture et notamment de la filiรจre lait qui est maintenant totalement dรฉpendante du soja amรฉricain. Cette mรชme filiรจre dont vous faites la promotion au Japon et ailleurs, ne rรฉpond ร  aucun des dรฉfis environnementaux, รฉconomiques et sociaux.

Aller vers une juste rรฉmunรฉration de la production grรขce ร  l'agroalimentaire ? Vous le pensez sรฉrieusement ?

Pendant que notre industrie agroalimentaire se dรฉveloppe, le nombre des agriculteurs a รฉtรฉ divisรฉ par 3 en 40 ans (et le nombre de fonctionnaires pour les contrรดler multipliรฉ par 2). 

Un tiers des agriculteurs restants vit en dessous du seuil de pauvretรฉ.

Je vais prendre un seul exemple : une baguette tradition de 250 g coรปte 1,40โ‚ฌ et contient 150g de farine soit 180g de blรฉ qui est payรฉ au producteur 21 cts/kg. C'est ร  dire que dans une baguette ร  1,40 โ‚ฌ seulement 3,8 cts revient au producteur de blรฉ soit 2,7%. 

En rรฉsumรฉ, si la filiรจre agroalimentaire et distribution payait deux fois plus aux producteurs, la baguette augmenterait seulement de 2,7%. 

Et les agriculteurs au lieu de se suicider sous la pression des banques et de la suradministration (1 ร  2 suicides d'agriculteur chaque jour en France) seraient heureux de produire mieux.

Voici un chantier ร  travailler pour vous.

Alors non, Monsieur Gomez, je ne pense pas que la France doive se passer de son industrie agroalimentaire, mais je pense que celle-ci doit sโ€™amรฉliorer.

Et surtout, je pense que lโ€™industrie agroalimentaire, ce nโ€™est pas de la gastronomie, c'est mรชme l'opposรฉ.

Nous pouvons en dรฉbattre quand vous voulez.

Sur mon action pour la gastronomie ?

J'essaye tout simplement de donner le bon exemple. 

"Rien n'est si contagieux que l'exemple ; et nous ne faisons jamais de grands biens ni de grands maux qui n'en produisent de semblables. " Franรงois de La Rochefoucauld

Je fais de la cuisine avec des viandes et lรฉgumes de haute qualitรฉ que je produis sur mon domaine ou que j'achรจte directement ร  des producteurs locaux.

Quand je parle de qualitรฉ, je parle de qualitรฉs : รฉcologique, sociale, pรฉdagogique, nutritionnelle, gustative, esthรฉtique et bรฉnรฉfique pour la santรฉ.

Et puis je fais quelques prรฉparations gastronomiques qui, ร  leur modeste รฉchelle, peuvent parfois participer au rayonnement de la France comme notre jambon de Porc Gascon, issu de notre engagement et de notre savoir-faire artisanal et familial.

Un produit que vous retrouvez sur notreย boutique en ligne.

Merci d'avoir lu cette lettre, il me tenait ร  cล“ur de la partager avec vous.ย 

Patrick Duler
Fondateur de la Maison Duler

P.S. : Rรฉguliรจrement,  je vous livre un regard original sur les dรฉrives industrielles de lโ€™agriculture et de toute la filiรจre agroalimentaire. Je mets en lumiรจre cet รฉgarement qui dรฉbute dans les coopรฉratives agricoles pour atteindre mรชme les restaurants รฉtoilรฉs et les guides gastronomiques.

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