Il faut parfois une sacrée dose d’obstination — ou peut-être de tendresse — pour continuer à produire un vrai jambon, aujourd’hui. Un jambon qui a vu le ciel. Qui a respiré l’air du causse quercynois. Qui a pris son temps.
 
Parce que tout, autour de nous, pousse à faire l’inverse.
À aller plus vite. À simplifier. À standardiser.
À transformer l’élevage en gestion de flux, le cochon en matière première, le goût en promesse marketing.
 
Dans ce monde d’ultra-transformation, produire un aliment vrai, c’est presque un acte de résistance.

Résistance à l’oubli, d’abord.
Car il faut bien le dire : nous avons collectivement perdu la mémoire du goût.
Le goût des choses bien faites, lentement.
Le goût du vivant.
Et dans ce grand trou de mémoire, l’industrie s’est engouffrée avec des mots séduisants
Elle a inventé des terroirs de façade, des étiquettes qui racontent des histoires — mais plus aucun lien avec la terre, avec l’animal, avec l’homme qui accompagne.
Aujourd’hui, un cochon peut n’avoir jamais vu un brin d’herbe et pourtant trôner sous la bannière “fermier”.
Un jambon peut sortir d’une usine automatisée et se vanter d’être “traditionnel”.
Et tout cela est légal.
Parfaitement légal.
C’est dire à quel point nous avons perdu le bon sens.

Résistance à la peur, ensuite.
Parce qu’il y a une peur très subtile, très française : celle de payer pour ce qu’on ne comprend plus.
Un jambon d’exception, c’est un produit qui coûte. Mais ce coût-là — qui est un prix juste, un prix de vérité — fait peur.
On a été tellement habitués à l’abondance factice, à l’illusion du “bon marché”, qu’on s’est mis à douter de ce qui a vraiment de la valeur.
Mais ce qui est cher, parfois, c’est ce qui a été respecté à chaque étape.
Et ce qui ne coûte rien… coûte souvent très cher en vérité : à l’animal, à notre santé, à la planète, à notre dignité.

Alors on résiste. Tous les jours.
Pas avec des discours.
Avec des gestes.
Avec des Porcs Gascons élevés un par un, en liberté.
Avec du sel naturel et du silence, dans une cave vivante.
Avec des mains qui touchent, qui sentent, qui décident quand c’est prêt — ou pas encore.
Ce n’est pas plus noble.
Ce n’est pas plus ancien.
C’est juste meilleur au goût et à la santé.

Produire un jambon de vérité dans un monde d’ultra-transformation, c’est refuser l’oubli. C’est tenir bon, même quand tout le monde vous dit de “rationaliser”.
C’est croire qu'il y a encore des personnes qui ont envie de goûter un aliment qui n’a rien à cacher.
Et peut-être que le jour viendra où cette résistance n’en sera plus une, mais sera devenue une évidence partagée.
Merci d'avoir lu cette lettre, il me tenait à cœur de la partager avec vous.
Patrick Duler
Fondateur de la Maison Duler























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